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Qui ne se souvient pas avec émotion de ce moment où, ayant fait tomber dans la grille du caniveau une bille ou une pièce de dix centimes donnée par maman pour s’acheter un bonbon, il s’est échiné à l’aide d’un bout de bois trouvé sur place à tenter de récupérer le précieux objet ? Qui ne se souvient pas de ce moment d’intense stress quand, bien qu’ayant consciencieusement enfoui sa tête dans son cahier pour devenir invisible, il a été interrogé sur une poésie de La Fontaine qu’il ne connaissait pas du tout ? Nous avons tous de ces souvenirs d’enfance émus qui nous reviennent, dès qu’on passe devant une bouche d’égout -qui nous fait alors penser à notre jolie bille jaune perdue à jamais- ou dès qu’on entend son petit frère apprendre ce sonnet qui nous a valu une autre bille, mais rouge cette fois…

Nous avons tous l’esprit plein de ces souvenirs d’enfance, et parfois, une madeleine de Proust nous fait nous souvenir de ces moments. Une madeleine, surtout dans le cas des Poufsouffles que nous sommes qui, bien plus que la poésie ou la bille, se souviennent de ce qu’ils ont pu manger au goûter quand ils étaient enfants. Le goûter, ce moment béni où l’on partageait de bon cœur son casse-croûte avec ses copains, ce moment aussi où, quand on avait très faim, nous faisions semblant de n’avoir aucun gâteau sur nous pour le manger en cachette sans devoir le diviser en plusieurs parts dont nous sentions que chacune d’elle nous aurait pour le coup bien manquée s’il eût fallu supporter le cours de maths sans qu’elle nous eût revigoré.

Ces souvenirs de goûters, ils sont encore bien frais dans nos mémoires, et il n’est nul besoin d’une quelconque madeleine de Proust pour les raviver : Lea et Godrika se souviennent très bien de ce petit rituel du pain au lait accompagné de ses carreaux de chocolat, que tant d’enfants ont connu et qui est finalement un délice intemporel. Les tartines aussi avaient beaucoup la cote, avec ceci de génial qu’elles permettent une personnalisation infinie : ainsi Kyara, qui dans sa prime jeunesse avaient les papilles gustatives en feu, n’hésitait pas à s’adonner au mélange beurre, fraise et sucre ! Si généralement, pour ce qui est de la tartine, beaucoup s’accordent sur une base pain de mie plus beurre, des divergences apparaissent dès après : confiture de fraise pour Solene, poudre chocolatée Ovomaltine pour Aileen, quant à l’immanquable Nutella que Roxey et sa sœur ont connu, il n’était pas non plus absent de nos pauses à quatre heures, bien que, se suffisant à lui-même, il se passait bien souvent de beurre.

Enfin, comme nous vivons dans un monde postmoderne et que la grande distribution a pris le contrôle de nos vies, beaucoup de nos petits chérubins ont goûté aux gâteaux déjà préparés: des Pitchs pour Aistacariel et Grace (qui les écrasait préalablement dans son sac pour qu’ils soient plus esthétiques). Les Whaou et les Pepitos ainsi que des Pom’Potes (point commun avec Jack) pour le petit Camden ; les Petits LU, Prince et galettes bretonnes pour la petite Roxey. Mais ce qui semble transcender tous ces clivages quant au goûter, c’est bel est bien le Kinder, sous toutes ses formes et ses déclinaisons, qui a conquis (et bouché les artères) de pas mal de ces charmants petits devenus d’horribles grands.

Mais outre ces goûters parfaitement licites et qui avaient la bienveillance des parents, il y avait aussi un autre amour que nous avions, et qui cette fois faisaient bondir nos parents, c’était celui des bonbons ! A ce niveau, le traditionnel collier avait les faveurs de pas mal de monde. Godrika pour sa part se délectaient de friandises au nom peu avouable (ainsi que Lea) et qu’on attribuait à des mammouths qui n’avaient que peu de choses à voir là-dedans. Et le fameux chewing-gum enroulé tel une lance à incendie dans sa petite boîte en plastique ! Il a fait des ravages lui aussi, et son goût acide, chimique et indéfinissable ne semblaient pas un obstacle pour les gamins que nous étions, qui ne se souciaient pas d’absorber n’importe quelle substance fût-elle tout à fait étrange. Cependant, face à toute cette dose de graisse, de sucre, d’huile de palme et autres joyeusetés, peut-être eussions-nous du, à l’instar d’Aaricia qui semble avoir été la fille la plus sage d’entre nous, manger plus de galettes de riz et moins de bonbons (et peut-être aussi apprendre mieux nos poésies par la même occasion) ?

De toute façon, qu’on ait grandi parmi des vegans, des mormons ou des pros de la malbouffe, qu’on ait goûté aux gâteaux industriels ou au bon pain au chocolat de la boulangerie du coin, existe-t-il un souvenir plus ému que celui du gâteau fait par sa maman, sa grande tante Hortense ou sa mamie Gudule et qui, même si parfois il était un peu raté, était quand même le meilleur de tous ?


Article écrit par Jack Wiggins et illustré par Solene Alrina